Lire et écrire rend intelligent – Les coûts humains d’éloignement de 13 millions de jeunes des écoles sont trop élevés.
Aujourd’hui 75% des enfants du monde vivent dans des pays en confinement. Jamais dans l’histoire de l’humanité près de 2 milliards d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes n’ont été tenus éloignés de leur ÉDUCATION pendant aussi longtemps. Les risques de pertes de repères de vie, d’apprentissage et d’équilibre alimentaire sont énormes, dans tous les pays, et plus encore dans les pays pauvres.
Les études scientifiques récentes faites sur les enfants en Chine, au Danemark, aux Pays-Bas et en Norvège et en Europe (CEPP-Centre Européen de Prévention des Pandémies) montrent quatre tendances fortes
- Les enfants et adolescents ont un système immunitaire plus fort et plus réactif que les adultes. 96% d’entre eux sont des porteurs sains, sans risque.
- Les enfants semblent moins transmettre le virus que les adultes.
- Les risques de santé des enfants sont 5.000 fois moins élevés que chez les plus de 70 ans, chez qui certains ont été placés (grands-parents), à cause du confinement.
- Les enfants les plus jeunes sont ceux qui apprennent le plus vite et qui font les efforts sociaux d’apprentissage intuitifs les plus rapides. Ce sont aussi les moins contagieux de tous.
Malgré les technologies modernes et la visioconférence pratiquée par toutes les écoles et tous les enseignants équipés dans les pays riches, 80% à 90% des élèves des pays pauvres et des zones rurales peu équipées des pays riches ont perdu ce lien direct crucial et éducatif avec leur instituteur, leur institutrice ou leurs professeurs.
Or ce lien est essentiel dans leur apprentissage du monde. Non seulement ces professeurs ouvrent des fenêtres sur le monde, pas seulement en Histoire, Géographie ou dans l’apprentissage des langues étrangères, mais aussi en matière de découverte des sciences ou d’autres référents adultes que leurs parents ou grand-parents, leur faisant découvrir la richesse de la diversité humaine et la richesse des cultures du monde.
Pour beaucoup de jeunes vivant dans des familles surpeuplées et dans un espace restreint, l’école est aussi un espace de liberté, de créativité et d’apprentissage rapide de tous les univers extérieurs et des mondes possibles, stimulant chaque jour leurs cerveaux vifs et hautement adaptables.
Enfermer des enfants, c’est aussi les priver d’expériences et de découvertes clés pour les aider à la construction de leur vie future. Tout est prétexte à l’apprentissage pour eux : Les couleurs, les odeurs des fleurs, les arbres, les plantes et les oiseaux des cours d’école et parcs, les mots, les livres, schémas, images, questions, réponses et échanges avec leurs professeurs et leurs camarades d’école.
Même en Corée du Sud ou à Singapour, deux des pays de l’OCDE les plus avancés en technologies, les apprentissages virtuels sont moins bons que les apprentissages physiques, en face à face.
Les enfants pauvres sont ceux qui souffrent le plus. Ils peuvent manquer de tout
- ordinateur ou liaison Wi-Fi de qualité dans les pays riches en zone blanche ou dans les familles peu ou pas équipées.
- accès aux livres, aux créations, aux copies de cours, si les écoles n’offrent pas de cours en visioconférence, comme pour 75% des enfants confinés dans le monde.
- accès à d’autres adultes que leurs parents, lorsque les leçons, concepts ou devoirs s’avèrent compliqués ou tout simplement incompris.
- la lutte pour l’accès aux livres, aux écrans d’ordinateurs ou de téléphones partagés à trois, quatre ou ..huit dans les foyers ou les pays pauvres.Dans la plupart des cas, les écoles comme le service militaire quand il était obligatoire en France, jouent le rôle d’égalisation des chances et de savoir équitable transmis à tous sur un pied d’égalité.
En l’absence de terrain de jeux, de bibliothèques disponibles et de parents ayant un fort niveau d’éducation, beaucoup d’enfants sont abandonnés à eux-mêmes, dans le désert.. ou pire devant des jeux vidéos violents, qui vont plus attiser leur goût de la confrontation que celui plus sain du respects et de l’écoute mutuelle, ou de la construction livresque de leur esprit critique…
Selon des estimations, de jeunes Américains de 8 ans, dont l’apprentissage a été bloqué lors du confinement, pourraient perdre une année de niveau de mathématiques d’ici cet automne, si les écoles restaient fermées dans la plupart des états américains. Pour trois raisons majeures
1/ Rupture d’apprentissage
2/ Autonomie insuffisante
3/ Oubli des bases et des automatismes mentaux appris…
Or, de tous les pays de l’OCDE, c’est aux USA que les différences d’apprentissage sont les plus fortes entre les familles riches et les familles pauvres, plus encore si elles sont monoparentales, avec un parent aux ressources limitées.
Pour les jeunes parents et les jeunes enfants, un confinement prolongé est aussi doublement difficile. D’un côté, les enfants souffrent de la tension de leurs parents et des justes reproches faits pour leurs bêtises, telles que des jouets abandonnés entre la chambre-bureau et la cuisine…
De l’autre, les parents en télétravail sont perturbés par les hurlements des enfants, leurs vidéos ou musiques ou encore les tâches de confiture que certains ont laissé au mauvais endroit…
Pour les parents qui travaillent, infirmières, médecins, chercheurs, équipes de nettoyages, transporteurs, conducteurs, postiers, équipes de production des produits stratégiques (masques, gels, respirateurs, vaccins..), pilotes d’avions cargos ou marins… savoir leurs enfants désoeuvrés et peu suivis ou aidés dans leur scolarité, est aussi un souci mental, qui revient de façon récurrente.
Dans beaucoup de familles, et pas seulement dans les pays pauvres, l’école est aussi synonyme de ‘REPAS DE MIDI’ ou de ‘REPAS‘ tout court… Ne plus avoir le cadre de l’école prive ainsi des millions d’enfants et de familles d’accès régulier à un repas équilibré, d’où une forte hausse de la malnutrition dans le monde ces dernières semaines.
Les écoles servent aussi de points de repère pour
1/ quels livres acheter 2/ les vaccins des enfants 3/ les conseils des enseignants 4/ les jardins et potagers scolaires, comme les 112 ‘Edible Playgrounds’ (terrains de jeux comestibles) installés dans les écoles anglaises depuis 2012.
Pire encore, certains enfants restés confinés pourraient ne plus retourner à l’école pour plusieurs raisons
1/ absence de transport
2/ pénurie familiale
3/ parents ayant perdu leur travail ou leurs repères
Oui, les écoles peuvent rouvrir par étapes, en commençant par les crèches, maternelles et écoles primaires. Ce sont de plus les jeunes cerveaux qui ont besoin le plus d’être stimulés.
Toutes les écoles et universités ou grandes écoles peuvent se préparer dès maintenant, 8 jours avant les dates prévues, pour préparer un accueil optimal, fait de sourires, de conseils, de masques, gel, jeux et d’aération une fois par jour, sans pour autant créer une atmosphère anxiogène, mauvaise pour les enfants et leur soif de liberté et de construction.
Tous les enfants, lycéens et étudiants doivent suivre, en particulier ceux qui ont des examens ou concours prévus. Il est indispensable de RESPECTER leur travail et de les laisser passer leurs examens et concours, pour passer une étape de plus dans leur courageux parcours d’apprentissage.
Il est d’autant plus facile d’organiser les espaces pour les lycéens et étudiants qu’il existe de nombreux gymnases ou grands espaces d’exposition disponibles, pour éloigner les tables de 2m les unes des autres (concours) en cas de besoin.
Les écoles doivent être repensées en lieux solidaires d’entraide et de construction, telles des outils d’élévation des connaissances, du savoir vivre ensemble et de la mobilité. Elles sont aussi le lieu idéal de formation de jeunes citoyens éveillés, respectueux et responsables.
Réouvrir les écoles doit donc être une PRIORITÉ pour tous les pays, avec un accueil croissant des millions d’enfants, adolescents et jeunes adultes, enfermés entre quatre murs pour beaucoup.. et qui rongent leur frein depuis des semaines.
Nous devons, nous aussi adultes, libérer les énergies de ces millions d’enfants et les guider vers de nouvelles libertés et solidarités, dans ce monde post-Coronavirus.
Le monde a connu depuis 900 ans plus de 150 famines, pestes, choléras, maladies graves ou grippe espagnole (1918-19), qui ont emportés des dizaines de millions d’êtres humains. Remercions chaque jour nos scientifiques et nos soignants au sens large pour les perspectives nouvelles qui s’offrent à l’Humanité des années 2020 à 2100…
François P. VALLET, ESCP EUROPE, Coach et conférencier, article publié le 1/05/2020.
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