France éclatée ou France Reconstruite et Unifiée (Extrait I)
Extrait 1189 tiré du régne de PHILIPPE AUGUSTE (21 août 1165-14 juillet 1223)
En 1189, Philippe II, dit ‘Auguste’, nom qui lui sera donné par le moine de l’abbaye de St-Denis Rigordus (1145-1209), après le traité de Boves en juillet 1185 et l’extension du domaine royal sur les seigneuries d’Artois (Nord), du Valois et d’Amiens (Picardie), ainsi qu’une partie du Vermandois. Rigord faisait aussi référence à la naissance de Philippe II au mois d’août egt aux empereurs romains, dont le 1er d’entre eux Octave Auguste, car il a considérablement agrandi le royaume de France. Rigord sera le 1er biographe (1886-1208) du roi Philippe Auguste.
Contexte historique : Le duc de Normandie, Guillaume le Conquérant, a battu le roi Harold Godwinson à Hastings le 14 octobre 1066 et a été sacré roi d’Angleterre à Westminster (Londres) le jour de Noël 1066.
Il impose la langue française à la cour d’Angleterre (Honni soit qui mal y pense’ est toujours la devise des rois britanniques et d’Elisabeth II. Issue de la langue anglo-normande = le vieux français, cette devise de l’ordre de chevalerie de la Jarretière a été créée par le roi Edouard III en 1348 à Calais en pleine guerre de cent ans entre la France et l’Angleterre) avec ses barons normands, dont le Grand Veneur (actuel Lord Grosvenor), qui prennent le pouvoir face aux saxons et aux seigneurs d’origine anglaise et dano/norvégienne. Devenu William the first (William 1er), Guillaume le Conquérant aura 10 enfants, dont 2 futurs rois d’Angleterre, Guillaume II le Roux (1087-1100) et Henri 1er (1100-1135) dit ‘Beau Clerc’ (‘bien sage et instruit’). Henri 1er aura au moins 9 fils et 15 filles légitimés, mais aucun ne sera roi. Suite à des luttes internes pour sa succession, sortiront vainqueurs Adèle de Blois et son fils Etienne de Blois, nouveau roi (1135-1154), à l’exception d’un règne de 6 mois de Mathilde, dite ‘l’impératrice’, dame d’Angleterre et de Normandie, jamais sacrée reine (avril-novembre 1141).
Le plus puissant successeur de Guillaume le Conquérant, Henri II, fils de Mathilde, réussira 2 exploits a/ épouser Aliénor, duchesse d’Aquitaine et son aînée de 10 ans, à 19 ans (le 18 mai 1152 à Poitiers), alors qu’il n’est qu’un héritier présomptif, b/ se faire couronner avec elle le 19 décembre 1154 à Westminster, après la trêve de Winchester conclue avec Etienne. Il régnera 35 ans, jusqu’à sa mort, au château de Chinon, en… 1189.
Philippe Auguste (1165-1223) est le fils de Louis VII (1120-1180). Son père fera l’erreur historique de se séparer d’Aliénor d’Aquitaine (1152) alors qu’elle aura 8 enfants avec Henri II et aura Philippe II, dit ‘Dieudonné » après son 3e mariage, avec Adelaïde de Champagne.
Suite à plusieurs entrevues de conciliation entre les rois de France et d’Angleterre, le Pape envoie plusieurs légats pour les mettre d’accord et à s’unir pour une 2e croisade, agréée en 1187. Le 2e légat du Pape est Jean, cardinal d’Agnani, qui a remplacé le cardinal d’Albano, mort peu de temps après avoir excommunié le futur roi Richard cœur de lion, début 1189.
Cet extrait est tiré du Tome 4 de l’Histoire de France (1179 à 1285) en 17 volumes, publiée en 1755 par le Père G. DANIEL, de la Compagnie de Jésus (Jésuites) avec l’appui de 11 libraires associés, dont De Hansy, Pont au Change, à St-Nicolas et de ‘Desaint & Saillant’, rue St-Jean-de-Beauvais.
Le roi Philippe Auguste dit au cardinal (qui vient de le menacer d’interdire ses états)
« Je me moque de votre interdit. Je ne le crains ni le garderai, parce qu’il est injuste. Il n’appartient pas à Rome d’agir par sentence, ni en aucune autre manière contre mon royaume, lorsque je juge à propose de mettre à la raison mes vassaux rebelles, ou coupables de quelque contre mon autorité ou l’honneur de ma couronne. Mais on voit bien à votre conduite, que vous avez pris goût aux sterlings d’Angleterre »
Richard (francophone, comme tous les rois et princes d’Angleterre jusqu’à Elisabeth II) qui était présent, ne s’en tint pas aux paroles, et se laissant emporter à son humeur impétueuse, il tira son épée, et il eut percé le légat, si les prélats et les seigneurs ne se fussent mis entre deux. Mais il fit sur le champ une autre chose, qui ne choqua pas moins le roi (Henri II) son père. C’est que s’étant jeté aux pieds du roi de France, en présence de toute l’assemblée, il lui fit hommage de tous les domaines d’Angleterre d’en-deçà de la mer (France terrestre), disant qu’il les tenait de lui et du roi d’Angleterre ; de lui, comme de son seigneur, et du roi d’Angleterre, comme de son père.
Après un si grand éclat, on se sépara. Le roi avec Richard alla sur le champ à Nogent-le-Rotrou se mettre à la tête de son armée et attaqua La Ferté-Bernard qu’il força. Le roi d’Angleterre appréhendant lui-même pour Le Mans, se jeta lui-même dans la place. Montfort, Malétable, Beaumont et qqs autres places se rendirent à la vue de l’armée. Déjà le roi fit semblant de prendre la route de Tours ; ce qui rassura le roi d’Angleterre, dans l’espoir que cette ville arrêterait longtemps les Français et ralentirait leur fougue. Mais il fut bien surpris, lorsque ce prince, par une contre-marche, parut dès le lendemain à la vue du Mans, en disposition d’insulter (attaquer en vieux français) la place.
Etienne de Tours, sénéchal d’Anjou fit aussitôt, par ordre du roi d’Angleterre, mettre feu aux faubourgs, de peur que les Français ne s’y logeassent. Mais par malheur, le vent ayant porté quelques charbons de l’incendie par-dessus les murailles, le feu prit aussi à la ville et y causa une grande confusion. Les Français se servant de l’occasion attaquèrent durant ce tumulte le pont de la Sarthe (rivière et nom du Département), que les Anglais avaient commencé à rompre. Il y eut là un sanglant combat, où Geoffroy de Buxillon, qui commandait les Anglais, fut blessé à la cuisse et pris. Les Français, après beaucoup de résistance, se rendirent maîtres du pont, mirent les Anglais en fuite et entrèrent avec eux pêle-mêle dans la ville.
Le roi d’Angleterre dans cette surprise, sortit promptement par l’autre côté de la ville, avec sept cent hommes seulement. Le roi de France le poursuivit à la tête d’un détachement de son armée pendant trois lieues (environ 5 km), et l’aurait infailliblement pris avec tous ses gens, sans le retard que lui causa le passage d’un gué, par où il avait pris pour couper ses ennemis, et qui se trouva alors fort profond. Le roi d’Angleterre marcha jusqu’à Alençon sans débrider et s’enferma dans le château. Le roi revint sur ses pas, et prit en trois jours la tour du Mans, où le reste des soldats du roi d’Angleterre s’était jeté pour la défendre.
Profitant de ce désordre où était le roi d’Angleterre, il marcha sur Tours et prit durant la marche quantité de petites places et forteresses : Amboise, Montoire, Chaumont, Roche-Corbon, Château-du-Loir, qui en un autre temps auraient arrêté des armées. Il parut à la vue de Tours le lendemain de Saint-Pierre, et ayant trouvé un gué, il passa la Loire, qui était alors fort basse.
Le comte de Flandre, l’archevêque cardinal de Reims, le duc de Bourgogne et quelques autres seigneurs étaient venus rejoindre le roi, soit qu’il les eut regagnés, soit qu’ils eussent été indignés de la partialité du légat et du peu de droiture du roi d’Angleterre. Néanmoins, ils voulaient toujours la paix, et les trois que je viens de nommer allèrent, avec le consentement de Philippe, trouver le roi d’Angleterre, qui était alors à Saumur, pour l’obliger, dans le mauvais état de ses affaires, de recevoir les conditions qu’ils tâcheraient de lui ménager.
Quand ces seigneurs partirent du camp devant Tours, le roi leur dit qu’ils feraient telle diligence qu’ils jugeraient à propos, mais qu’il n’attendrait pas leur retour pour donner l’assaut à la ville. En effet, il le fit donner avec tant de vigueur qu’il emporta la muraille par escalade du côté de la rivière, et se rendit maître de la place.
Cette prise acheva de consterner le roi d’Angleterre, aussi bien que les nouvelles qu’il recevait de Bretagne, de Poitou et d’Anjou, où tous se révoltaient contre lui. Il fallut céder à la mauvaise fortune et recevoir la loi du vainqueur.
Il vint donc sur le conseil de ces trois seigneurs rejoindre le roi de France près de Tours, où il lui fit un hommage de tous les domaines qu’il possédait en France. Ensuite, il fut réglé que la princesse Alix (sœur du roi de France et maîtresse officieuse et contre les traités du roi d’Angleterre, empêchée depuis des années à Londres) promise à Richard Cœur de Lion, serait remise entre les mains d’une des cinq personnes que Richard nommerait ; qu’elle demeurerait à la garde de celui-ci, à qui on la confierait, jusqu’au retour de la Terre Sainte, pour être après le voyage épousée par Richard : que les vassaux du roi d’Angleterre, en-deçà (France) et au-delà de la mer (Angleterre) feraient hommage et serment de fidélité à Richard ; que nul des sujets et seigneurs de la couronne d’Angleterre, qui s’étaient déclarés pour Richard pour cette guerre, ne quitteraient son parti ; qu’ils pourraient recevoir, un mois avant leur départ pour la Palestine auprès du roi d’Angleterre, des ordres pour la marche ; que les deux rois ainsi que Richard se rendraient avec leurs troupes à la mi-Carême 1190 à Vézelay, pour partir ensemble ; que le roi d’Angleterre paierait vingt mille marcs d’argent au roi de France, et que tous les barons d’Angleterre juraient, au cas où Henri II manquerait à l’une quelconque des conventions, de se joindre au roi de France et au prince Richard, pour les faire observer ; que le roi de France et Richard garderaient, jusqu’à l’exécution entière du traité, les villes du Mans, de Tours, de Château-sur-Loir, la forteresse de Trou…
Il arriva une chose surprenante durant cette conférence. Comme les deux rois traitaient ensemble au milieu de la campagne, un peu écartés de leurs gens, il fit un grand coup de tonnerre, bien qu’il y eût peu de nuées dans l’air, et la foudre tomba entre deux, sans les blesser. Leurs chevaux effarés les emportèrent chacun de leur côté puis revinrent ensemble pour continuer leur entretien. Lorsque les deux princes revinrent ensemble, il se fit un nouveau coup de tonnerre encore plus fort que le précédent. Ceci effraya tellement le roi d’Angleterre qu’il s’évanouit et fut tombé de dessus son cheval, s’il n’eut été promptement soutenu, par le roi de France.
Ce prince, épouvanté de ces espèces de prodiges (miracles), et n’ayant plus d’ailleurs aucune ressource dans son malheur, accorda tout ce qu’on voulut. Il demanda seulement qu’on lui fit voir la liste des seigneurs ses sujets, qui s’étaient ligués contre lui en faveur de Richard. On la lui montra, et il fut infiniment surpris d’y voir Jean (Jean-sans-Terre) son autre fils. Il ne put s’empêcher d’en témoigner sa douleur, et de maudire le jour qui l’avait vu naître. Il donna aussi sur le champ sa malédiction à ses deux fils, qu’il ne voulut jamais révoquer, quelques prières que lui en fissent les évêques et autres personnes de vertu.
Il se retira de là au château de Chinon, où le chagrin lui causa une fièvre violente, dont il mourut en très peu de jours, dans la trente-cinquième année de son règne. Ce fut le plus grand prince qui fut monté sur le trône d’Angleterre, depuis Guillaume le Conquérant, et le plus puissant de tous ceux qui eussent jamais porté cette couronne, mais le plus malheureux de tous les pères…
Il n’eut pas plutôt expiré que tous ceux qui étaient demeurés avec lui, après avoir pillé tout ce qu’il y avait de plus précieux, abandonnèrent son corps, sans qu’on pensât seulement à l’ensevelir. Lorsque Richard apprit sa mort, il donna des ordres pour lui faire des obsèques magnifiques à l’abbaye de Fontevraud, où il fut inhumé…
L’abbaye de Fontevraud, à la frontière de l’Anjou et du Poitou et pour partie financée par Henri II, deviendra par la suite la nécropole royale des Plantagenêts…
Richard commença à se saisir des trésors de son père, qui étaient à la garde d’Etienne de Tours, sénéchal d’Anjou. Il se saisit aussi de toutes les forteresses de ce comté. De là, il alla à Rouen, où Gautier, archevêque de la ville, en présence des évêques, des comtes et des barons du pays, lui ceignit l’épée ducale, et le salua duc de Normandie.
Il s’aboucha ensuite avec le roi de France entre Trié et Chaumont, où ce prince le pressa de lui restituer Gisors et les autres places du Vexin. Richard le pria de ne point l’obliger à lui faire cette cession, dès l’entrée de son gouvernement, à cause du tort que cela lui ferait dans l’esprit des peuples.
Il lui offrit pour le délai qu’il lui demandait quatre mille marcs d’argent, outre les vingt mille que le roi son père s’était obligé à lui payer : de plus, il lui céda Issoudun et Graçai dans le Berri et certains fiefs situés en Auvergne, qui étaient depuis longtemps des sujets de contestations entre les deux couronnes…
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Quels enseignements tirer de ces extraits d’histoire ?
- Les histoires de la France et de l’Angleterre sont restées fortement entrelacées de 1066 (bataille de Hastings) à aujourd’hui. Elles diffèrent principalement par les apports de populations complémentaires, issues principalement des empires coloniaux anglais et français de 1790 à 1962 et par le mode de gouvernance : Habeas Corpus en GB contre Ve République en France. Fabuleux rattrapage démographique et économique de la France par l’Angleterre de 1789 à 1914 du fait de
- 1/ Révolution industrielle appuyée par les Huguenots et scientifiques français, ainsi que l’argent des émigrés de la Révolution, 40 à 50 ans avant France.
- 2/ Population britannique passée de 6 à 26 millions d’habitants en GB, alors qu’elle stagne de 28M à 32M en France, à cause de la Révolution et des nombreuses guerres meurtrières.
- 3/ Conséquences un siècle plus tard du transfert technologique des fabuleuses inventions de Denis Papin (1647-1713) de France en Angleterre = Machine à vapeur.
- La langue anglaise est très proche du français, car plus de 55% de ses racines plongent dans le latin et dans la langue française transportée en Angleterre et en Écosse par Guillaume le Conquérant, ses successeurs et des générations de mélanges et de mariages croisés, à commencer par les 980.000 émigrés de la Révolution française, les FFL – Forces Françaises Libres, rassemblées en GB autour de De Gaulle pendant la 2e Guerre Mondiale, les plus de 2 millions de Huguenots ayant fui le Royaume de France pour l’Angleterre ou les colonies nord-américaines, après la Révocation de l’Édit de Nantes, entre 1685 et 1715 principalement.
- Toute ressemblance avec des événements récents serait fortuite…
- « Il n’est guère de passions auxquelles les sentiments de la nature cèdent plus facilement qu’à l’envie de régner » dit le Père G. DANIEL.
François P. VALLET, ESCP EUROPE, dirigeant, enseignant, coach en start-ups
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