Introduction
Ce premier article sur l’Afrique n’est que le premier d’une longue série, sur un continent multiculturel, où vivent près de 3.000 des 7.200 langues parlées dans le monde aujourd’hui, et où chaque réussite des femmes et hommes de bonne volonté, dans chacun des 56 pays qui constituent ce vaste continent, donne le sourire.
J’aime profondément les Afriques, toutes les Afriques, humaines, culturelles et océaniques, les merveilles absolues des paysages, des îles, des forêts et des montagnes, mais je souffre comme beaucoup des violences insupportables et inhumaines commises par quelques-uns, en très grande majorité des hommes, armés ou non. Et j’en profite pour rendre un hommage appuyé aux femmes africaines courageuses, qui se reconstruisent et retissent des liens, et qui transmettent à leurs enfants l’amour de l’école et de l’apprentissage de la langue française.
Toutes mes félicitations en particulier à toutes les femmes, enseignantes ou non, d’Akamasoa, à Madagascar, qui réalisent chaque jour des merveilles !
Trois messages d’espoir tout d’abord, avant de plonger dans des faits, que je suis obligé de citer, et qui parfois dépassent l’imagination (villages razziés ou brûlés par des terroristes, extrême sécheresse en Afrique de l’est et aujourd’hui du nord, suite au réchauffement climatique)
1/ Je croise tout récemment à La Poste une petite fille incroyable de 11 mois, Fatoumata, avec sa maman. Elle avait des petites couettes magnifiques avec des chouchous colorés dans les cheveux. Je félicite la maman pour ce travail incroyable de coiffure et je félicite Fatoumata pour ses premiers pas, en lui disant qu’elle est douée. Et cette petite fille incroyable réussit alors l’exploit de faire au moins une centaine de longueurs, pas à pas, dans le bureau de poste, toute fière, avec son immense sourire. Trois fois, elle tombe devant moi, et je l’aide à se relever. Triomphante, elle repart de plus belle.
Cet article est dédié à toutes les petites filles et tous les petits garçons courageux d’Afrique. Vous êtes tous extraordinaires !
2/ Le chirurgien et médecin Dr. Denis MUKWEGE a obtenu le prix NOBEL de la Paix en 2018 pour son action exceptionnelle dans l’est du Congo Kinshasa, pour sauver des dizaines de milliers de vies, et notamment des milliers de femmes violées sauvagement par des miliciens sans foi ni loi. Tant que des humains courageux existeront et se battront comme vous, Docteur, l’humanité marquera des points avec la paix et le respect de la dignité humaine dans les 56 pays africains et dans votre beau pays du Congo Kinshasa. Bravo, Docteur, pour votre courage d’être retourné dans l’est de votre pays, après avoir étudié et travaillé en France !
3/ Le 8 septembre 1968, deux pilotes d’Air France, Jean-Marie Chauve et André Gréard, assistés par le mécanicien navigant Michel Diou, en provenance d’Orly, posent leur Super Constellation L1049G, sur le tarmac de Libreville, au Gabon. Ils apportent de l’espoir, de la nourriture et des chances de survie pour des milliers de Nigérians du Biafra.
En effet, le quadrimoteur transatlantique, transformé en cargo, mis à disposition par Air Fret, transporte 10 tonnes de vivres et de médicaments destinés aux citoyens de la Terre du Biafra, dévasté par une guerre civile, et soumis à un rigoureux blocus.
Ce vol est le début d’un pont aérien de plusieurs semaines, pour relier la France et Libreville à ULI, au Biafra, Nigéria, pour acheminer plus de 300 tonnes de denrées d’urgence à ces populations en danger de mort, et rapatrier au Gabon des centaines d’enfants décharnés, voués à la mort dans cet enfer de la guerre.
Ces enfants ont pour la plupart survécu. Ce sont aujourd’hui des citoyens de la Terre, âgés de 55 ans à 65 ans, qui savent ce qu’ils doivent à la solidarité humaine, à la Croix Rouge française et à ces valeureux pilotes et mécaniciens. C’est aussi le début d’ASF – Aviation Sans Frontières, moins connue que MSF – Médecins Sans Frontières, mais qui poursuit de nombreux vols humanitaires vers l’Afrique chaque année.
https://asf-fr.org/fr/fret-humanitaire
https://asf-fr.org/fr/partenaires-entreprises
Doit-on dire, pour se rapprocher de la réalité, et non pas des rêves ou des fantasmes de certains, l’Afrique ou ‘les Afriques’ ? Pour être précis, il faut nommer précisément et découvrir ainsi les très nombreuses ‘Afriques’, dans leurs diversités culturelles, politiques et linguistiques.
Dès aujourd’hui, et pour nous rapprocher des réalités de terrain, il nous faut sans aucun doute DIRE ‘les nombreuses et diverses Afriques’, pour de très multiples raisons, que je développe en partie ci-dessous
A – Les Afriques linguistiques
Souvenez-vous des communautés humaines éclatées de l’excellent film de JJ. Annaud : La guerre du feu
Le réalisateur imaginait des communautés de chasseurs-cueilleurs, agissant en groupes restreints, avec des hommes chasseurs, et des femmes en garde du feu, des grottes et des enfants.
C’est probablement ce qui existait en Europe, en Afrique, en Asie et sur tous les continents il y a 70.000 à 3 millions d’années, avec quelques individus qui ont permis à leurs groupes respectifs de faire des percées technologiques remarquables, telles que
- la découverte du feu, et des moyens de l’obtenir et le conserver, avec ses applications : Cuisson, conservation des aliments, durcissement des flèches, chaleur, lumière nocturne, défense contre les bêtes féroces.
- les techniques de marche et de traversée des ruisseaux, des rivières, des mers et des continents.
- les inventions des roues et des nombreux matériaux et duretés et durabilité des roues réalisées.
- les techniques de pêche et de chasse, en solo et en groupes.
- les découvertes des arbres et arbustes fruitiers et la cueillette, moyen de subsistance alternatif.
- les premières plantes germées par accident et les découvertes des techniques agricoles.
- les découvertes des greniers, des silos et des conditions de conservation alimentaire : Les chercheurs ont trouvé 1.200 silos à grains et nourritures chez les Arvernes (Vercingétorix), qui remontent au 4e siècle avant Jésus-Christ (il y a 2.400 ans).
- la découverte des premières mines et de la métallurgie
- les différents types de construction
Tous ces groupes ont migré localement, puis sur leurs continents, mais aussi de l’Afrique vers l’Europe et l’Asie, puis d’Europe et d’Asie vers l’Afrique.
Nous en venons donc aux familles linguistiques principales d’Afrique, qui, de facto, tracent des groupes de pays et de populations, souvent polyglottes pour les habitants des grandes villes, les commerçants et les voyageurs. Une part significative des populations africaines (environ 900 millions d’habitants sur 1.400Mh) appartient à l’une ou à plusieurs de ces Afriques linguistiques
- Afrique francophone, composée d’environ 30 pays africains et départements français d’Outremer, dont la population parle en partie ou en grande majorité la langue française, Congo Kinshasa (ex-Zaïre, 412 ethnies, 105Mh), Congo Brazzaville, Guinée, Guinée Conakry, Cameroun, Gabon, Centrafrique, Tchad, Côte d’Ivoire, Bénin, Togo, Niger, Sénégal, Mali, Mauritanie, Burkina Faso, Madagascar, Burundi, Djibouti, Rwanda (minorité), Maroc, Algérie, Tunisie, Égypte (élite culturelle et grandes villes, coptes), Ile Maurice, Réunion, Mayotte, Comores. Environ 520 Mh dont 275 M de francophones.
- Afrique Anglophone, composée du Nigéria, de l’Afrique du sud, du Kenya, du Soudan, du Ghana, de l’Ouganda (2M anglophones), de la Tanzanie et de quelques autres pays. Soit environ 85 millions d’anglophones.
- Afrique lusophone (langue portugaise), composée de l’Angola, du Mozambique, et des îles du Cap Vert, Guinée Bissau (pétrole), Sao Tome e Principe, soit 53Mh et environ 14M de lusophones.
- Afrique arabophone. Née de la colonisation de l’Afrique entre le 7e et le 10e siècle depuis La Mecque, puis des multiples razzias effectuées par les marchands arabes en Afrique de l’est (Zanzibar), avec un esclavage massif des populations noires envoyées vers le sultanat abasside puis l’empire ottoman (Cf ‘Le génocide voilé’, de l’historien P. NDIAYE). Les nombreux dialectes locaux de l’arabe sont très éloignés de l’arabe des colonisateurs du Golfe, car il a été très fortement métissé des langues d’origine de l’Afrique du nord.
- L’Amharique : Langue très ancienne et principale parlée en Éthiopie (107 millions d’habitants) et dans les pays voisins.
- L’Amazirgh : Langue très ancienne de l’Afrique du nord, dont l’âge et les inscriptions anciennes sont estimés à plus de 8.000 ans. On dit aussi les ‘dialectes berbères’, issu des 8 tribus d’origine. Aujourd’hui, le nombre de locuteurs est estimé à environ 60 millions, répartis entre Maroc, Algérie, Tunisie, Libye et Égypte
- Langues issues du Swahili : Le Swahili ou le groupe des langues souahélies sont des langues bantoues issues d’Afrique de l’Est. La langue la plus parlée de ce groupe est le ‘Kiswahili‘ parlé au Kenya, en Ouganda, en Tanzanie, dans la région des grands lacs (Rwanda, Burundi) et dans la partie est du Congo Kinshasa
- Le Haoussa est une langue originaire de la famille des langues chamito-sémitiques, originaire du Tchad. Elle est parlée surtout au Nigéria, au Niger, mais aussi au Soudan, au Cameroun, au Gabon, au Tchad, au Bénin, au Ghana et au Togo. On estime ses locuteurs à environ 60 millions.
B – Les Afriques géographiques
Gigantesque continent de plus de 25 millions de kilomètres carrés, grand comme environ 5 fois l’Europe, l’Afrique connaît des centaines de reliefs et de climats ou micro-climats, allant des immenses reliefs, tels
- le KILIMANDJARO (pic Uhuru en Tanzanie, culminant à 5.892m).
- le Mont Cameroun (ou ‘montagne des dieux’, 4.095m).
- les plateaux éthiopiens culminant à 4.533m (Ras Dashan), avec des altitudes moyennes de 1800m à 2.400m, avec la culture du caféier, et les sources de grands fleuves africains, tel le Nil bleu, issus d’accumulation de gigantesques quantités de magmas volcaniques émises pendant plus de 900.000 ans, il y a 30 millions d’années.
- l’immense chaîne de l’Atlas va de Marrakech (Atlas marocain, 4.167m, point culminant au Djebel Toubkal), à l’Atlas algérien (Djebel Chelia, 2.328m) et tunisien (dorsale tunisienne, 1.544m) s’étendant sur plus de 2.500km de longueur, sur une largeur de 300 km. Selon Pline l’Ancien (23-79 ap.JC) et Strabon (-63 à 25 ap.JC), le nom berbère d’origine serait ‘Duris’ ou ‘Dyris’.
- au gigantesque désert du Sahara, mis en lumière et en images TV remarquables pendant les années du Paris-Dakar. Cet immense désert a remplacé des plaines autrefois fertiles, où les archéologues ont trouvé des restes de dinosaures.
- les grands lacs de l’est africain dépassent ensemble 135.000 km2 et incluent le lac Victoria (69.485 km2), le lac Tanganyika (32.893km) et le lac Malawi (30.044km2) du Kenya au nord à la Tanzanie et au Mozambique au sud. Ils sont des clés alimentaires dans les écosystèmes des populations locales
Les côtes africaines longues de plus de 24.000 km baignent à la fois dans la Méditerranée au nord, l’océan Atlantique à l’Ouest, l’Océan Pacifique au sud, l’Océan Indien à l’est et le golfe persique au nord-est. Elles font face à la France et à l’Europe du sud, au continent sud-américain, auquel elle était attachée lors du super-continent ancien, la Pangée (d’où des découvertes pétrolières nombreuses au Brésil (Petrobras) et en Afrique de l’ouest (Nigéria, Guinée Bissau, Gabon, Angola).
C- Les Afriques de l’école ou de l’absence d’école
Les plus grandes inégalités qui existent en Afrique, outre l’accès à l’eau potable et à l’électricité, sont celles qui touchent à l’éducation. En effet, alors que les jeunes Africains de moins de 21 ans sont près de 700 millions, à peine 45% des garçons et 30% des filles ont accès ou ont eu accès de façon temporaire à l’école, avec des fléaux qui les empêchent d’étudier
- filles mariées ou promises trop tôt au mariage, trop souvent dès l’âge de 10 à 16 ans.
- enfants envoyés aux champs par des parents trop pauvres pour leur payer l’école.
- écoles trop éloignées des villages et inaccessibles pour de nombreux enfants, faute de temps de transport accessible ou non exténuant.
- routes trop dangereuses pour aller à l’école, à cause des guerres (plus de 150 conflits recensés depuis 1990, dont la guerre du Tigré, où plus de 300.000 Tigréens et forces d’Abiy Ahmed, président pentecôtiste, ont trouvé la mort), du terrorisme islamiste (Boko Haram a enlevé plus de 700 jeunes filles au Nigéria, plus de 154 étudiants tués par les Shebabs au Kenya), ou des conflits locaux (Ex : l’est du Congo Kinshasa est en guerre depuis plus de 25 ans, face aux milices financées par Ouganda et Rwanda, face à une armée congolaise éloignée de ses centres logistiques. Lire à ce sujet l’excellent livre du Prix Nobel de la Paix, le Dr. Denis MUKWEGE, qui a réparé des milliers de femmes victimes de viol, avec des centres pour les femmes victimes de violence et leurs enfants).
- https://www.lemonde.fr/international/article/2018/10/05/nobel-de-la-paix-le-medecin-congolais-denis-mukwege-et-la-militante-yezidie-nadia-murad-recompenses_5365067_3210.html
- sous-investissement chronique des états dans l’éducation, souvent à cause d’une gestion imparfaite des deniers publics, de fonds détournés ou de la corruption.
Mais des solutions existent, telles que les 400 classes d’écoles ouvertes par le Père Pedro et son association humanitaire à Madagascar, qui scolarise chaque année plus de 15.000 enfants, parmi les plus pauvres du pays : https://perepedro.fr/akamasoa/
C’est aussi pour cette raison que je viens de décider avec des amis de lancer l’association EVEO, dont l’objectif est de construire des écoles et de permettre modestement, à des dizaines d’enfants pauvres des villages d’Afrique, d’avoir accès à une école, grâce à la durabilité agricole de leurs écoles (jardins comestibles) et à de généreux donateurs. J’y reviendrai dans un article futur.
D – Les Afriques économiques
Comment certains pourraient-ils parler d’un seul continent homogène, alors que les Afriques sont fracturées de grandes chaînes de montagne, de fleuves titanesques, de très hauts plateaux, mais surtout d’un manque crucial de moyens de transport, de routes, de chemins de fer, de ports et d’aéroports, et jusqu’à la diffusion récente des téléphones mobiles (25 ans), de moyens de communication disponibles entre des populations très éloignées les unes des autres ?
Là où les Français et les Européens parlent d’une LGV (Ligne à Grande Vitesse), qui fait transiter 35.000 passagers/jour (33 AR) entre Paris et Bordeaux en 2h (600 km), la plupart des Africains urbains rêvent de plus d’investissements dans les réseaux ferroviaires ou RER pour échapper à la pollution et à l’asphyxie de grande villes tentaculaires, où roulent des millions de véhicules, souvent avec trop peu d’entretien, rendant chaque kilomètre dangereux.
La mortalité routière est ainsi l’un des premiers fléaux des 56 pays africains, avec des chiffres partiellement connus effrayants (>26 morts/100.000 habitants), parlant de plus de 420.000 morts par an, avec certaines parties du réseau routier impraticables par temps de pluie, avec des ornières très dangereuses, et où parfois des crevaisons peuvent s’avérer désastreuses pour les ‘taxis-brousse’, qui parfois transportent 12 à 30 personnes pour des véhicules pensés pour 5 adultes. Chacun a aussi en tête les images de cet immense parc automobile d’un dictateur, véhicules retrouvés cachés dans la jungle, alors que la plupart des enfants et adultes africains en sont réduits à marcher, ou, lorsqu’ils sont chanceux, à faire du vélo ou trouver des véhicules privés ou publics bondés.
Les 56 pays africains ont ainsi des situations très diverses, liés à leurs infrastructures, à leurs ressources naturelles (pétrole, gaz, minerais dont le cobalt utilisé pour les téléphones mobiles, métaux précieux, diamants, cacao, café, bananes), à leurs ressources humaines, mais aussi leurs liens de développement avec la France ou d’autres pays développés.
Ainsi, les situations des grandes métropoles africaines n’ont rien à voir avec celles des petits villages isolés et les écarts de richesse sont nettement plus élevés en Afrique, dans les Afriques qu’en Europe, dans les pays européens. Ainsi, les 56 pays africains comptent déjà une centaine de milliardaires en euros, alors que plus de 980 millions d’Africains doivent subsister avec moins de 20€/mois/personne.
Les pays africains les plus riches, tels que les Seychelles, l’île Maurice, la Guinée Équatoriale et le Gabon, qui dépassent 8.000€/habitant/an sont des États peu peuplés, qui bénéficient de très bonnes infrastructures et de revenus touristiques forts ou bien de mannes pétrolières importantes. En comparaison, les grands pays africains les plus peuplés : Nigéria, Éthiopie, Congo Kinshasa, Égypte, Afrique du sud affichent des richesses monétaires par habitant et par an, allant de 500€ à 3.000€/h/an.
Lorsque la Banque de France, le FMI ou la Banque Mondiale calculent une richesse moyenne de 3.500 à 3.800€/h/an, en moyennant des situations trop diverses, la réalité du terrain montre des millions de familles survivant avec moins d’2€/h/semaine alors qu’une classe moyenne croissante de 75 Mh peut espérer rassembler des revenus supérieurs à 12.000€/an/habitant.
Pour aller plus loin, on observe d’immenses écarts de valeur et d’environnement entre des appartements vendus sur plan au Maroc à des Français ou Franco-Marocains vivant en France, et des milliers de maisons qui s’écroulent chaque année du fait des pluies diluviennes, inondations ou sécheresses.
François P. VALLET, modeste citoyen de la Terre, certainement descendant et héritier de grands ancêtres nés en Afrique de l’Est ou du Sud il y a plusieurs millions d’années
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