« Prince des poètes et poètes de princes », Pierre de Ronsard (1524-1585) a eu la chance d’être éduqué dès l’âge de 5 ans par son oncle, Jean de Ronsard, archidiacre de Navarre, qui lui a légué son immense bibliothèque à son décès (1535-36).
Il a été page du dauphin de France François II, puis de la reine d’Écosse, attaché d’ambassade aux Pays-Bas et en Écosse. Il est devenu poète officiel de la cour de Charles IX (roi de France 1560-1574, mort à 24 ans).
Ronsard utilisera trois types majeurs de poésie
- les odes comme dans ‘Mignonne, allons voir si la rose‘
- les hymnes mais aussi
- les sonnets (décasyllabes) transplanté en France par Clément Marot en 1536 comme dans ‘Mon dieu, mon dieu, que ma maistresse est belle !’
Les extraits des ‘Amours de Cassandre’ (1552) et de la ‘Continuation des Amours’ (1555) sont ici partiellement retranscrits en français moderne, pour les rendre intelligibles.
En effet, la langue française écrite de Ronsard, bien que postérieure à l’ordonnance de Villers-Cotterêts d’août 1539 de François 1er, faisant du français la langue exclusive de la vie publique et de l’administration en France, a beaucoup de formes anciennes, difficilement lisibles par la majorité des lecteurs.
‘S’envoler plus haut‘ ou Poème 168
Ce fol penser pour s’envoler plus hault*,
Après le bien que hautain je désire,
S’est emplumé d’ailes jointes de cire,
Promptes à fondre aux rais du premier chault*,
Lui fait oiseau dispos de sault en sault,
Poursuit en vain l’objet de son martyre,
Et toi qui eux et lui dois contredire,
Tu le vois bien, Raison, et ne t’en chault* (cela t’est égal).
Sous la clarté d’une étoile si belle,
Cesse, pensée, de hasarder ton aile
Ainsi que te voir en brûlant déplumer :
Car pour éteindre une ardeur si cuisante,
L’eau de tes yeux ne serait suffisante,
Ni suffisants tous les flots de la mer.
- formes en -ault fréquentes en vieux français, ainsi que les formes en -ay -oy, -uy ou -y telles que dans ‘Hony soy quy mal y pense‘, idiome de l’ordre de chevalerie anglais de la Jarretière et de la couronne d’Angleterre.
‘Parler de tes yeux‘ ou Poème 170 des ‘Amours’
Je ne suis point, Muses, accoutumé
De voir, la nuit, votre danse sacrée :
Je n’ai point bu dedans l’onde d’Ascrée
Fille du pied du cheval emplumé.
De tes beaux rais, chastement allumé
Je fus poète : Et si ma voix recrée
Et si ma lyre ou si ma rime agrée,
Ton œil en soit, non Parnasse, estimé.
Certes le ciel te devait à la France,
Quand le Thuscan et Sorgue à sa Florence,
Et son laurier engrava dans les cieux :
Or trop tard beauté plus que divine,
Tu vois nôtre âge, hélas, qui n’est pas digne
Tant seulement de parler de tes yeux.
‘Belle fin fait qui meurt en bien aimant‘ ou 171
Ny les desdaingz d’une nymphe si belle,
Ny le plaisir de me fondre en langueur,
Ny la fierté de sa doulce rigueur,
Ny contre amour sa chasteté rebelle,
Ny le penser de trop penser en elle,
Ny de mes yeulx la fatale liqueur,
Ny mes souspirs messagers de mon cœur,
Ny de ma flamme une ardeur éternelle,
Ny le désir qui me lime et me mord,
Ny voir escrite en ma face la mort,
Ny les erreurs d’une longue complainte,
Ne briseront mon cœur de diamant,
Que sa beauté y soit toujours empreinte
Belle fin fait qui meurt en bien aymant.
‘Qu’un seul regard les intérêts m’en paye‘ ou Poème 176
Jamais au cœur ne sera que je n’aye
Soit que je tombe en l’oubli du cercueil,
Le souvenir du favorable accueil,
Qui a guéri et rengrégea ma playe
Tant celle-là, pour qui cent morts j’essaye,
Me saluant d’un petit ris de l’œil,
Si doucement satisfait à mon deuil,
Qu’un seul regard les intérêts m’en paye.
Si donc le bien d’un espéré bon jour,
Plein de caresse après un long séjour,
En cent nectars peut enivrer mon âme,
Quel paradis m’apporteront les nuits,
Où se perdra le rien de mes ennuis,
Evanoui dans le sein de Madame ?
François P. VALLET, ESCP EUROPE, Coach en start-ups – Article publié le 4/06/2020.
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