1ère génération : 1789-1815 – De la Révolution à la chute de Napoléon (Waterloo)
Le 14 juillet 1789 n’est pas seulement le jour de la prise de la Bastille ou « Bastille Day » comme les Anglo-saxons appellent notre fête nationale.
La « Bastille », comme son nom l’indique, était avant tout une forteresse militaire, qui gardait l’entrée est de Paris, et avait été aussi le lieu où quelques opposants au roi, peu nombreux, avaient été ’embastillés’.
Mais le 14 juillet 1789 est aussi la conséquence économique d’événements humains, économiques, climatiques et financiers qui se sont déroulés dans les années 1780, jusqu’à vider le trésor royal et à nécessiter la convocation des États Généraux, dans le but affiché d’augmenter les impôts, car les caisses sont vides et le pays fortement endetté…
Trois causes majeures sont évoquées par les historiens
1/ Louis XVI a beaucoup dépensé pour le voyage de La Pérouse, mais surtout pour la flotte de près de 80 navires, qui, sous la conduite de Rochambeau, de De Grasse et de Lafayette, ont traversé l’Atlantique, avec environ 30.000 soldats, des canons, des moyens de défense et de fortification, des tenues militaires, des fusils et des cartouches, pour aider les 13 colonies américaines à battre les Anglais et à prendre leur indépendance, en 1780-1782.
2/ Depuis la sage gestion de Colbert sous Louis XIV, les rois Louis XV et Louis XVI et leurs ministres ont mal géré le trésor de la France et ont souvent laissé filer les déficits et les emprunts, avec trop souvent des dépenses inutiles ou abusives, peu utiles au pays, à son industrie et à l’enrichissement de la plupart des citoyens (par exemple de bons investissements en infrastructures, douanes, ports, routes, forêts..), sans parler des dépenses folles de Marie-Antoinette et de la cour
3/ Plusieurs hivers très rigoureux ont fait chuter les rendements agricoles à cause du gel et de l’anéantissement des récoltes, provoquant la spéculation de certains, la famine et la colère des populations ayant le ventre vide, dans plusieurs régions de France
1781/82 été caniculaire (38,7°C à Paris) et forte grippe l’hiver
1782/83 été caniculaire et hiver glacial (de nov à avril) : 69 jours de gelée consécutifs à Paris
1783/84 été caniculaire. Inondation du Rhin en février 1784
1784/85 été caniculaire. Grande sécheresse dans toute la France. Récoltes touchées
1786/87 printemps et été très secs, très mauvaises récoltes
1787/88 été caniculaire, grande famine en 1788
1788/89 Toute l’Europe est touchée par un hiver glacial, surtout du 10 novembre à fin janvier 1789. A Paris, la Seine reste gelée deux mois, du 26 novembre 1788 au 20 janvier 1789
La célèbre bataille de Yorktown (28 septembre-19 octobre1781), clé de l’indépendance, fera ainsi appel à
** 10.000 soldats français de Rochambeau et Lafayette
** 15.000 soldats américains
Mais aussi
** près de 16.000 marins français de l’amiral français de Grasse, faisant le blocus maritime de Yorktown, repoussant une escadre anglaise et rendant ainsi impossible toute fuite des troupes anglaises
D’un point de vue démographique, ce qui est frappant de 1780 à 1815, c’est l’exceptionnelle perte de population (env. 28 millions d’habitants en 1780) liée triplement à la famine, aux guerres de 1789 à 1815, mais aussi à l’émigration et à la Terreur
** Famines et épidémies de grippe 1780-1795 et 1797-1800 : Environ 500.000 morts, surtout dans les campagnes et les quartiers pauvres des villes
** Émigration d’environ 900.000 à 1,5 millions de Français, selon les historiens
** Guerres de Vendée et famines de 1793 à 1796 : 200.000 à 250.000 morts, en majorité des civils
** Morts brutales Révolution : De la prise de la Bastille à la ‘Terreur’ sous Danton, Robespierre et Marat (1789-1794) : environ 100.000 Français, prêtres, religieux, opposants massacrés, noyés ou guillotinés de façon expéditive, sans procès
** Guerres révolutionnaires contre pays royalistes, puis guerres du directoire, campagne d’Égypte et guerres napoléoniennes : Entre 950.000 et 2,5 millions de morts et blessés graves, avec pour conséquence directe une chute forte des naissances, de 1789 à 1815, du fait du décès massif de centaines de milliers de jeunes soldats en âge d’être pères…
Au-delà des guerres et des événements liés à ces périodes de fortes évolutions et de nombreux conflits, les principaux points à retenir, sur lesquels l’évolution de la France sera très éloignée de celles de ses voisins sera la suivante :
En France, les familles sont déchirées par la mort, l’émigration, les guerres, les absences et les oppositions politiques, voire par l’absence de retour des pères, des maris, des fiancés, des frères, des fils, qui vont appauvrir ou déséquilibrer les familles. L’évolution démographique de la France au XIXe siècle (de 1800 à 1899) sera la pire de tous les pays d’Europe, avec une évolution démographique très faible, de 28 millions en 1789 à seulement 32 millions en 1900, soit à peine +15% en 100 ans, une quasi-stagnation. Par ailleurs, 90% des abbayes et monastères; ainsi que certaines églises et frontons ou sculptures seront pillés ou brûlés, entraînant la disparition de près de la moitié du patrimoine architectural historique de la France, et un fort appauvrissement des communautés vivant autour des lieux détruits ou fortement endommagés.
En comparaison, l’Angleterre, seule nation européenne à ne pas avoir la guerre sur son sol, bénéficiera à la fois des capitaux des Français immigrés, des inventions et savoir-faire de certains huguenots et émigrés français, et profitera notamment de la machine à vapeur de Denis Papin, pour développer la 1ère industrie et révolution industrielle d’Europe. Mais, plus stupéfiant encore, sa population passera de 6 à 26 millions d’habitants en un siècle, rattrapant presque celle de la France…
Ainsi, alors que la France avait en 1789, seule, la même population (28 millions) que celle de l’ensemble de ses grands voisins : Angleterre (8M), Prusse (5M), Espagne (10M), Benelux (ou ses ancêtres), trois de ces voisins l’auront rattrapée quelques 110 ans plus tard, et en particulier l’Allemagne, l’Angleterre et l’Italie (qui n’existait pas)
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Auteur : François P. VALLET
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