Robert Charles Surcouf est né à Saint-Malo 13 jours avant Noël l’an de grâce 1773, 16 ans avant la Révolution française, au bord de l’océan atlantique, dans une France qui avait encore trois ordres : Noblesse, Clergé et Tiers-Etat.
Après des milliers de miles nautiques et kilomètres au long cours et à la voile, il mourut dans sa grande propriété de Saint-Servan le 8 juillet 1827. Surcouf n’était pas seulement le plus grand corsaire malouin (Saint-Malo), il fut aussi un grand armateur et entrepreneur français.
Marin intrépide, il harcela sans répit les marines marchandes et militaires britanniques, non seulement sur les mers d’Europe, Manche, Atlantique, mais aussi dans l’Océan Indien autour des îles de France et de Bourbon, au large des comptoirs français des Indes et sur les routes de l’Inde.
Les nombreux exploits de Surcouf dans la prise de bateaux de commerce ou militaires souvent beaucoup plus gros que le sien ou que son escadre de pirates lui valurent la gloire et la Légion d’Honneur, nouvellement créée, sous Napoléon, le 14 juin 1804.
Mais Surcouf fut aussi un remarquable entrepreneur et armateur au long cours, prenant de multiples risques et créant ou faisant le lien indispensable entre les différents territoires français et les océans de Saint-Malo jusqu’en Atlantique nord et jusqu’aux Indes.
Embarqué dès l’âge de 13 ans sans solde comme jeune ‘pilotin’ et élève-officier, il séduit son capitaine et n’en mange pas moins à sa table, considéré rapidement comme étant membre des officiers du bateau.
En sa qualité d’élève officier, Surcouf est exempté des corvées, temps précieux qu’il met à son profit pour mieux apprendre les voiles, les gréements, les manœuvres et chaque détail de ce premier bateau sur lequel il va rejoindre Cadix, au sud de l’Espagne.
Surcouf repart le 3 mars 1789, quatre mois avant la prise de la Bastille, sur l’Aurore, navire marchand de 700 tonnes sous le commandement du capitaine Tardivet, en route pour les Indes, puis devant faire escale, sur la corne de l’Afrique au retour, pour y faire le commerce d’esclaves. Surcouf n’a pas encore 16 ans.
Il rejoint avec ‘L’Aurore’ la capitale du gouvernorat français des Indes à Pondichéry d’où il transporte des troupes françaises à destination de l’Isle de France (aujourd’hui île Maurice). Cette mission accomplie, l’Aurore part chercher des esclaves sur la corne de l’Afrique.
Après le naufrage de son bateau entre le Mozambique et Madagascar, Tardivet et son équipage, qui ont pu se sauver par miracle et rejoindre la terre ferme, affrètent un navire portugais, le San Antonio en octobre 1790 pour retourner à Port-Louis (île Maurice), mais ils sont contraints de se dérouter vers Sumatra (Indonésie) en raison de mauvaises conditions météorologiques.
Finalement ils ne regagneront Port-Louis qu’à la fin 1790 à bord d’un vaisseau de guerre français parti de Pondichéry…
Découvrant les bouleversements de la Révolution à son retour en France le 2 janvier 1792, Surcouf s’engage alors dans la Marine royale comme enseigne auxiliaire à bord de la Cybèle, frégate de 40 canons, dans l’océan Indien.
Surcouf connaît son baptême du feu lors du premier combat de la Rivière Noire, au large de l’Isle de France (île Maurice) le 22 octobre 1794 : la Cybelle, la frégate Prudente et la corvette Jean Bart chassent deux vaisseaux britanniques forts de de 50 et 44 canons qui assuraient le blocus de l’isle de France et la libèrent. C’est le seul combat de Surcouf dans la marine de l’État, qui a refusé par la suite plusieurs commandements de frégates.
Surcouf retourne rapidement à la course et ne dépassera jamais le grade d’enseigne de vaisseau dans la marine militaire. Chose extraordinaire, à vingt ans, Surcouf est déjà capitaine au long cours…
Surcouf, nommé commandant de l’Émilie en juillet, repart le 3 septembre 1795 de l’Isle de France (île Maurice) à destination des Seychelles pour y acheter ‘des tortues, du maïs, du coton ou autres marchandises’.
En fait, devant la recrudescence des navires anglais, Surcouf déroute dès le 8 octobre son bateau de sa trajectoire initiale. Il fait contresigner par l’ensemble de son équipage un procès verbal, né d’une concertation entre Surcouf et ses hommes, où la décision est prise d’un commun accord d’assurer la ‘défense’ de la mer face aux bateaux anglais.
Dérouté pour sa sécurité vers l’est du Golfe du Bengale (Bangladesh) jusqu’au sud de la Malaisie, l’Émilie doit y faire cargaison de marchandises. Et prévoir … de défendre sa cargaison à l’aide des quelques canons dont le bateau disposait.
Fort de cette « défense », Surcouf arraisonne le 18 décembre 1795 un brick anglais le Peguan dans le delta de l’Irrawady situé au sud de la Birmanie.
Puis, en allant vers l’embouchure du Gange, Surcouf prend le 10 janvier 1796 le Sambolass, un bateau américain et le 15 janvier un schooner, le Russel, puis enfin le 21 janvier un brick-pilote du Gange : le Cartier. Plus performant que l’ Émilie, dès sa prise Surcouf s’y installe avec 23 hommes et 4 canons, confiant le soin à un de ses seconds de ramener l’Émilie à l’Isle de France (île Maurice), navire qui arrivera à bon port le 15 mars 1796.
Sans tarder, dès le 28 janvier 1796, Surcouf « inaugure » son nouveau navire par la prise d’un brick américain, la Diana, après un bref combat. Surcouf et son équipage se comportent en gentlemen et traitent l’équipage, passagères et passagers avec un respect qui surprend les Américains.
Le 29 janvier 1796, le Cartier croise un navire marchand des Indes de 1000 tonneaux, le Triton. Avec Surcouf, ils ne sont que 19 hommes et 4 canons à bord face à 150 hommes et 26 canons. Surcouf, déguisé sous pavillon anglais, s’approche du navire et envoie le pavillon français juste avant l’abordage. Les officiers anglais sont rapidement tués, désorganisant l’équipage, qui se rend après une résistance brève mais violente. 150 hommes face à 19 !
La légende Surcouf est déjà là. Surcouf est à la tête de trois navires, le Cartier, la Diana et le Triton, et il n’a … que 23 ans ! Surcouf a déjà pris six bateaux… Il en prendra 44 en 7 ans et demi, entre 1795 et 1801, puis en 1807 et en 1808…
Chacun des voyages de Surcouf sera une école de la vie et de la mer à grande vitesse, où au-delà des cordages, des voiles, des relations humaines et des grands océans, Surcouf gardera les yeux vifs, grands ouverts, tourné vers les aventures et n’ayant peur de rien.
Et non seulement Surcouf naviguera les mers bravant tous les dangers, mais il formera nombre de valeureux marins autour de lui avant de devenir, à la fin de sa vie, l’un des plus riches et des plus puissants armateurs de Saint-Malo, doublé d’un prospère propriétaire terrien de 800 hectares.
François P. VALLET (C)
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